Identité nationale... locale ou supranationale ?
Ce débat sur l'identité nationale a failli me laisser indifférent.
Bien sûr que ses obscurs desseins ne trompent personne, on sait trop bien avec quoi rime "national". La ficelle est grosse et ceux qui la tirent bien balourds. Mais on ne pouvait s'attendre à de la dentelle entre leurs mains rugueuses.
Soit, personne n’est dupe, passons.
Ce débat, qu'on a voulu truquer dès le départ, en a finalement suscité bien d'autres, d'une bien meilleure tenue, sur des ondes où s'expriment quelques intellectuels de haut vol. La profondeur de leur analyse augmentait d'autant le ridicule des politiques qui avaient initié tout cela.
Alors, dans mon for intérieur, comme bien d'autres, je me suis demandé ce que signifiait pour moi "être français". Ma généalogie me rattache depuis de nombreux siècles à cette région que l'on nomme la Gascogne. Occitan avant d'être Français. Mais aujourd'hui ?
Mon premier attachement, celui qui construit mon identité depuis mon enfance jusqu'à ce jour, est local. Ma commune, mon canton, mon département, ma région. Là où je vis, où je travaille, où vivent la plupart de mes amis, mes voisins, où je me déplace, où je m'investis. La terre où poussent les légumes que je mange, mon marché, ma bibliothèque, ma petite salle de spectacles, mon cinéma de village, les associations que je fréquente... En un mot, mon quotidien.
En cela je suis certainement comme beaucoup de personnes.
Alors quel est l’échelon identitaire suivant ?
Curieusement pas mon pays ou ma « nation ». Si je suis attaché à la France pour sa langue et sa culture, je ne place ni l’une ni l’autre au dessus des autres langues et autres cultures, tout aussi admirables, de l’Italie à l’Angleterre jusqu’à la Chine… Cette langue et cette culture me sont tout simplement plus familières, mais pas de quoi exciter un quelconque chauvinisme. Si l’identité nationale se résume à la langue, je suis alors tout autant québécois.
L’échelon suivant est, pour ma part, l’Europe. Pas particulièrement la CEE, mais ce continent européen auquel j’ajoute même tout le bassin méditerranéen. J’ai failli dire l’Empire Romain. De l’Ecosse à Constantinople, d’Alexandrie à Carthage, de Rome à Athènes. Car cette identité, qu’on voudrait réduire à des limites franco-françaises, est initialement égyptienne, grecque puis romaine, elle est aussi celte et barbare. Je suis tout cela à la fois. Ma philosophie, mes valeurs, ma morale, mes sentiments, mes émotions, ma façon d’être et de penser ne peuvent se limiter aux frontières de notre hexagone. Ce que je suis est l’héritage de 5000 ans d’aventure humaine. 5000 ans d’échanges, de brassage, de cultures qui se croisent et s’enrichissent mutuellement, de chromosomes qui se mélangent.
Puis, encore au-delà, ma référence identitaire suivante est le Monde, la Planète. Le sentiment de faire partie d’un tout, d’une humanité où blancs, jaunes ou noirs sont avant tout des êtres humains. Des frères qui sont autant de miroirs me renvoyant ma propre image. La Planète aussi, avec la conscience écologique qui aujourd’hui s’impose, cet écrin qui nous héberge et nous fait vivre, qui nous nourrit et qu’on ne respecte que trop peu. La mondialisation économique détruit hommes et ressources, en réaction doit s’imposer une mondialisation écologique, une prise de conscience que notre identité est aujourd’hui transnationale, que le bien-être de mon frère indonésien ou de mon frère péruvien est indissociable de mon propre bien-être.
Alors maintenant que ces quelques idées vagabondent dans ma tête, je ne comprends plus très bien ce que signifie l’identité nationale. J’y vois un machin politicien d’arrière garde, un truc vaseux vide de sens, j’y vois le fantasme d’hommes politiques ayant perdu tout réel pouvoir, de monarque se pavanant Faubourg Saint-honoré dans l’illusion de régner, sinon sur le monde, tout au moins sur un bout de terre nommé « France ». S’agitant sur des manettes qui ne commandent plus rien. On lance des débats sur l’identité nationale ou la burka parce qu’on s’ennuie, parce qu’il n’y a rien d’autre à faire, parce qu’on ne peut que regarder, impuissant, tourner le monde.
Le pouvoir (je veux dire par là les lieux où peuvent se prendre encore de vraies décisions politiques influant sur notre quotidien) est aujourd’hui :
1/ Régional
2/ Européen (en ce qui nous concerne), disons continental (CEE, ASEAN, ALENA…)
3/ Mondial (via les grandes institutions internationales).
Tout le reste n’est qu’agitation et roulements d'épaules.