Simplicité volontaire contre décroissance ? Tout contre...
Bien des journalistes à qui leur rédaction demandait de faire un "papier" sur les décroissants (espèce de martiens venus d'une planète lointaine non étudiée à Sciences Po Lille) ont fini par trouver mes coordonnées pour me faire subir un interrogatoire en règles. Blague à part, j'ai toujours entretenu de très cordiales relations avec eux, ce qui précède n'est qu'une boutade...
Quelle est donc la différence entre simplicité volontaire et décroissance ?
Je dirais à peu près la même qu'entre micro-économie (ou économie domestique) et macro-économie.
La décroissance est une théorie puis un mouvement politico-économique dont on peut attribuer les prémices à un certain Nicholas Georgescu-Roegen, économiste d'origine roumaine. Bien conscient qu'une croissance économique aussi bien que démographique infinie est impossible dans un monde fini (notre petite planète bleue), un jour viendra où la petite planète bleue chérie aura tout donné et ne pourra subvenir aux besoins exponentiels de l'humanité. D'où il découle naturellement l'idée qu'il faut revoir le modèle économique actuel et envisager d'entrer dans une phase de décroissance. Attention, ne caricaturons pas, cette décroissance s'appliquerait à certains pans de l'économie productiviste au profit d'une croissance dans d'autres domaines (santé, culture, énergies renouvelables...) ou en d'autres lieux. Il ne s'agit pas non plus de revenir à la grotte de Lascaux, ni même au labour avec les bœufs. La décroissance souhaitée est avant tout une décroissance des inégalités Nord-Sud. "Vivre simplement pour que d'autres puissent simplement vivre", comme disait Gandhi. Moins produire, relocaliser, mieux consommer, mieux partager, ne plus polluer ni piller les ressources fossiles, etc. Tout le monde connaît maintenant ce discours et ne le conteste plus, mais le mot "décroissance" reste un gros mot, imprononçable par l'immense majorité de la classe politique, à l'exception parfois de quelques écologistes audacieux. Quant à nos dirigeants, ils ont vite fait d'agiter l'imparable épouvantail du chômage, brandissant une équation simpliste mais admise par tous comme quoi décroissance économique = croissance du chômage. Donc tabou total, black-out !
Pour avoir lu et relu quelques brillants auteurs/économistes ayant disserté sur la décroissance, j'adhère personnellement à cette théorie qui me semble frappée au coin du bon sens. Enfin des courageux qui ne pratiquent pas la politique de l'autruche ! Quant à voir cette théorie enfin mise en pratique par nos gouvernants, il y a un pas que ces derniers ne sont pas prêts de franchir ! Ce serait oublier bien vite que leurs mandats électoraux leur impose des échéances à très court terme durant lesquelles il est hors de question d'entreprendre des réformes impopulaires. Point de salut de ce côté là. A moins que le mouvement pour la décroissance ne se structure politiquement, à l'échelle internationale, au point d'arriver au pouvoir dans une grande majorité de pays pour, tous ensemble, comme un seul homme, appliquer les réformes draconienne qui s'imposent. J'en vois qui sourient... et ils ont bien raison. Les écologistes essayent depuis 40 ans (en admettant que l'un des pionniers de l'écologie politique soit René Dumont) et sont encore bien loin de se retrouver aux commandes (à moins de compromissions paralysant toute action). Avons-nous 40 années de plus à attendre qu'un mouvement pour la décroissance arrive au pouvoir ? Il sera bien trop tard.
Alors deux solutions : s'en foutre et advienne que pourra, et tant pis pour nos enfants !
Ou bien se responsabiliser individuellement.
Je m'explique : ce qui ne se décide hélas pas en haut lieu, décidons-le à notre propre échelle, individuelle, familiale, locale. Adoptons un nouveau mode de vie fait de simplicité et de frugalité. Adoptons-le volontairement. C'est cela la Simplicité Volontaire. Difficile de s'engager dans cette voie ? Pourquoi donc ? Demandez à ceux qui s'y sont résolus et tous vous diront que sobriété ne rime pas avec morosité, bien au contraire. Vivre plus simplement; c'est privilégier l'être à l'avoir, c'est retrouver du temps pour soi, c'est s'épanouir autrement qu'en consommant, c'est accéder à plus de plénitude.
Et sur le principe que les petits ruisseaux font les grandes rivières, plus nous seront nombreux à choisir ce mode de vie et plus rapidement notre société changera (car ce ne sont pas les décisions politiques qui font évoluer les sociétés mais les prises de conscience ! Les politiques ne font qu'essayer d'attraper les trains déjà en marche).
Merci à tous ceux qui militent pour la décroissance et font entendre leur voix, ils contribuent activement à cette prise de conscience. Et merci à tout ceux qui franchissent le pas de la simplicité volontaire dans leur vie quotidienne, ils font modestement mais dignement leur part !