Que vaut un Haïtien ?
Un terrible tremblement de terre vient de se produire à Haïti. On a parlé que de cela toute la journée d'hier. Immédiatement, une première réflexion me vient à l'esprit : ils n'avaient pas besoin de ça ! En 1998, les pires inondations dévastaient le Bangladesh, en mai 2008, un cyclone en Birmanie... Eux non plus n'avaient pas besoin de ça. Comme si les cataclysmes choisissaient leurs victimes chez ceux qui endurent déjà, au quotidien, l'insoutenable.
13 janvier 2010. 6h45. Mon radio réveil se met en marche et comme tous les matins se propose, sur cette grande radio nationale, de me raconter le monde. Ce n'est pas encore l'heure du journal. On se réveille en douceur en écoutant la météo de la région parisienne, puis le "point route" et les bouchons... de la région parisienne. Une neige et des embouteillages qui causent bien des misères... aux parisiens. Je n'y prête même plus attention.
7h00. Le bulletin d'infos. Je sais que je vais en apprendre un peu plus qu'hier sur la catastrophe d'Haïti. Bien au chaud sous ma couette, réveillé maintenant depuis un quart d'heure, me voilà tout ouïe et disposé à toute la compassion pour la misère du monde. Pas d'ironie dans cette dernière phrase, je suis sincère. J'ai tant parcouru ce monde que parfois je me sens Birman, ou Haïtien... même au chaud sous ma couette.
Une première estimation des victimes tombe : 100.000 morts au moins, mais c'est très difficile d'avancer des chiffres si tôt. On décrit l'état de la ville, les cadavres dans les rues, les maisons effondrées, le manque de tout, l'aide internationale qui tarde à s'organiser.
Puis le journaliste enchaîne avec une information qui lui semble encore plus bouleversante que la précédente : un bâtiment de l'ONU s'est effondré, faisant 16 morts et une cinquantaine de blessés. Là, je commence à me dire que dans ce bâtiment de l'ONU devaient se trouver quelques Occidentaux pour que cette information vienne surclasser la première.
Puis enfin, mais là je m'y attendais, nous sommes sans nouvelles d'une cinquantaine de français qui se trouvent dans le pays. J'imagine que chaque pays a du en faire tout autant et annoncer combien de compatriotes se trouvaient sur place. C'est bien naturel.
Ces deux dernières informations (les Onusiens décédés ou blessés et les 50 Français potentiellement touchés) ont dépassé, en temps d'antenne, la première information : l'estimation des 100.000 victimes.
Alors j'ai fait un rapide calcul pour conclure que la vie d'un seul Occidental vallait celle de 1000 Haïtiens.
Surtout vu depuis Paris, un jour de neige et d'embouteillages.
Et si la décroissance commençait par la décroissance des inégalités ?