Une longueur d'avance !
La simplicité volontaire et le mouvement pour la décroissance ont pris de plus en plus d’ampleur jusqu’à devenir aujourd’hui un réel phénomène de société. C’est alors, tout naturellement, que les médias s’en sont emparé. Les articles, les reportages et les documentaires foisonnent. Mais c’est trop souvent pour aborder le sujet de manière caricaturale, très superficielle, faisant passer ces doux-rêveurs de « décroissants » pour des marginaux passéistes et nostalgiques, prônant un retour à l’autarcie.
Je défends ici l’idée que la simplicité volontaire n’est surtout pas un retour en arrière, mais bien un formidable bond en avant. Les « décroissants », comme on se plait à les nommer avec un certain mépris, ont bien une longueur d’avance. Ils anticipent tout simplement ce que notre société d’hyperconsommation va finir par rendre inéluctable d’ici quelques années.
Nous le savons tous, nous pillons la Planète. Nous exploitons à outrance les dernières réserves d’énergie fossile, avec une foi aveugle en la science et sa technologie qui sauront bien, une fois de plus, nous sortir de l’impasse dans laquelle nous nous précipitons. Une croissance économique et démographique infinie est incompatible avec notre monde fini. L’auto-asphyxie est imminente mais la politique de l’autruche reste de mise chez l’ensemble des gouvernants.
Il reste donc peu d’espoir que nos hommes politiques, dont les ambitions carriéristes se bornent à une poignée d’années, prennent les mesures draconiennes qui s’imposent. C’est alors que doit intervenir l’initiative personnelle. Ils ne font rien ? Alors moi, simple individu parmi le 6,7 milliards d’autres, vais accomplir ma part. Consommer et polluer de moins en moins, se contenter du strict nécessaire, acheter local, produire par soi-même, réparer et recycler, boycotter le superflu, fuir la publicité, retrouver de vraies valeurs privilégiant le lien, l’échange, l’entraide et la solidarité. C’est ce que Pierre Rabhi appelle : faire « la part du colibri » (se référer à son ouvrage éponyme). Une goutte d’eau, pensez-vous… qui peut se transformer en petits ruisseaux, puis en grandes rivières, plus nous seront nombreux à vivre sobrement.
Ce choix conscient et volontaire que font les décroissants anticipe un mode de vie que l’humanité entière sera contrainte d’adopter dans les prochaines décennies. « Contrainte », c’est bien là que le bât blesse. Ceux qui n’ont pas vu venir le tsunami, qui sont restés dans une logique illusoire de « plus je consomme et plus je suis heureux » vont se prendre une magistrale claque dans la figure (pour rester poli). La chute sera douloureuse et la désillusion cuisante.
D’autres, ces doux-rêveurs décroissants marginaux et soi-disant passéistes, auront depuis longtemps tissé leur réseau local, pris la tangente, adoptés un mode de vie alternatif, fait de frugalité et de joie de vivre. Car vivre simplement est tout sauf vivre tristement. C’est accéder de façon certaine à une meilleure qualité de vie. Le moins-avoir conduit au mieux-être, moins de biens sera compensé par plus de liens.
Ces visionnaires ont bien une longueur d’avance et deviendront les nouveaux modèles pour les générations futures. Plutôt que combattre l’actuel modèle politique et économique décadent, il est préférable de créer un nouveau modèle alternatif qui, faisant les preuves de son efficacité, finira par rendre l’ancien obsolète.